Face à la désinformation, les efforts de la Silicon Valley restent vains

Les efforts déployés par Facebook, Twitter ou Microsoft pour freiner des tentatives de manipulation de l’opinion initiées en Russie et en Iran n’empêcheront probablement pas de nouvelles campagnes à l’approche des élections législatives américaines de novembre.

Facebook a annoncé mardi avoir fermé des centaines de pages, groupes et comptes «inauthentiques» gérés depuis l’Iran et la Russie. Le réseau social avait déjà indiqué fin juillet avoir supprimé 32 pages et comptes douteux, qui relevaient selon lui d’une «action coordonnée» à l’approche du scrutin de novembre.

Twitter a parallèlement suspendu 284 comptes engagés dans une «manipulation coordonnée», nombre de ces comptes «provenant apparemment d’Iran».

Microsoft a de son côté accusé lundi des pirates informatiques russes au service du Kremlin d’avoir visé les sites internet de centres de réflexion conservateurs américains.

Toutes ces sociétés assurent coopérer avec les autorités compétentes.

Pour Alex Stamos, qui était jusqu’à très récemment le responsable de la sécurité à Facebook, il est malheureusement déjà «trop tard pour protéger les élections de 2018».

Les dernières révélations «prouvent que la Russie n’a pas été dissuadée et que l’Iran suit ses pas», écrit-il mercredi sur le blog Lawfare.

«D’une certaine façon, les Etats-Unis ont fait savoir au monde entier qu’ils ne prenaient pas ces problématiques au sérieux et que tout auteur de désinformation risquait, au pire, une tape sur les doigts», déplore-t-il en appelant à un sursaut des autorités, des entreprises et des citoyens pour les élections législatives et présidentielles de 2020.

Armée de hackers

Les mesures vigoureuses mises en oeuvre par Facebook et Twitter sont probablement insuffisantes pour juguler les efforts des internautes malveillants, estime Olga Polishchuk, chercheuse pour la société spécialisée dans la sécurité informatique LookingGlass.

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La Russie emploie «une armée de hackers» très au fait de la culture américaine et bien financés, souligne-t-elle.

«Ces groupes fonctionnent jour et nuit. Les techniques qu’ils utilisent pour répandre des informations fausses ou imprécises sont très sophistiquées», ajoute-t-elle.

Les actions engagées par les réseaux sociaux pour limiter la propagation des «fake news» ou la mise en examen d’internautes russes pour piratage informatique n’y feront rien selon elle. «Ils sont complètement déterminés à faire avancer la cause de leur pays», assure Mme Polishchuk.

Les réseaux sociaux de la Silicon Valley sont régulièrement critiqués pour leur absence de réaction face aux campagnes de désinformation engagées à l’approche des scrutins importants, notamment la campagne électorale des présidentielles de 2016 aux Etats-Unis.

Les services de renseignements américains ont révélé que des opérateurs russes se sont servis –entre autres– de Facebook pour tenter d’influer sur l’élection qui a mené Donald Trump à la Maison Blanche. Moscou a toujours réfuté ces accusations.

«Je continue à penser qu’ils ne dédient pas suffisamment de ressources à ce domaine», affirme Jennifer Grygiel, professeure spécialisée dans les médias sociaux à l’université de Syracuse.

Au fur et à mesure qu’ils prenaient de l’importance, les groupes comme Facebook et Twitter n’ont, à ses yeux, pas assez réfléchi aux éventuels risques de manipulation.

«Leur modèle économique est vicié depuis le début», justifie-t-elle. «Ils n’ont pas les infrastructures suffisantes pour gérer correctement la modération des contenus, et c’est dommageable pour la société et la démocratie», juge la spécialiste.